Par Nicoletta Metri
Les habitants de l’un des plus vastes bidonvilles d’Afrique vivent dans des conditions intolérables. Les presque 200 000 habitants de Kibera, près de Nairobi, la capitale du Kenya, ont un revenu moyen qui dépasse à peine 1 $ par jour. Le taux de chômage dans les 13 villages qui le composent est élevé, et beaucoup n’ont pas accès à des services de base essentiels, notamment à des soins médicaux adéquats et à l’eau courante potable. En raison du faible nombre d’écoles publiques pour l’importante population de Kibera et du coût élevé que représentent les écoles privées et communautaires, de nombreuses familles ont du mal à donner à leurs enfants un accès à une éducation de qualité.
En 2016, le Tunapanda Institute a décidé de s’attaquer à certains de ces problèmes. Cette entreprise sociale à but non lucratif, qui organise des formations sur les technologies, la conception et l’entreprise dans des environnements à très faibles revenus en Afrique de l’Est, a créé TunapandaNET, un réseau urbain communautaire. Le principal objectif du réseau était d’améliorer les niveaux d’éducation, de santé et d’activité économique au sein de la communauté, et de mettre à sa disponibilité des enseignants formés et des ressources pédagogiques.
En 2017, en partenariat avec l’Internet Society, le Centre international de physique théorique (Italie) et Rhinotivity (Danemark), TunapandaNET a mis en place quatre nœuds de réseau. Ces nœuds reliaient le Tunapanda Institute à deux écoles et un centre de jeunesse, réunissant au total 1 800 jeunes. L’année suivante, en partenariat avec le chapitre du Kenya de l’Internet Society, et avec le soutien de la Fondation Internet Society et de son programme de moyennes et grandes bourses Beyond the Net, l’institut a pu ajouter 10 nouveaux nœuds. Le réseau, qui utilise les spectres exploitables sans licence de 2,4 GHz et 5,8 GHz, relie désormais le Tunapanda Institute à sept écoles, deux centres de jeunesse et un centre pour les femmes.
« Disposer d’un flux continu d’expertise constitue l’un des éléments cruciaux d’un réseau communautaire. L’équipe a suivi la formation Réseaux communautaires sans filde l’ISOC et s’est associée à l’université d’Afrique de l’Est de Baraton pour obtenir des formations à la création de réseaux évolutifs utilisant des équipements Ubiquiti et Mikrotik. 127 jeunes ont reçu des formations sur l’informatique et les réseaux sans fil. Un franc succès, quand on sait que l’objectif initial était d’impliquer 80 élèves. »
— Josephine Miliza, ingénieure réseau et responsable du projet
Une fois l’infrastructure technologique installée, l’équipe de TunapandaNET a pu former à l’informatique des groupes marginalisés, notamment des femmes et des jeunes en situation de handicap, afin qu’ils puissent plus facilement apprendre de nouvelles compétences et gagner leur vie. Le projet a également contribué à réduire les inégalités hommes-femmes sur le plan du numérique, en donnant aux femmes la possibilité d’utiliser les technologies de la communication. Trente-cinq femmes ont été formées en informatique et en sécurité sur Internet. L’objectif à terme était de les protéger des dangers d’Internet et de leur offrir un accès équitable aux outils numériques pour leur réussite personnelle et professionnelle. L’équipe a également mis en place une session de formation de 3 heures pour les jeunes malentendants sur la narration numérique et la photographie, avec l’aide d’un interprète en langue des signes.
Les formations de TunapandaNET en chiffres
En complément, TupanandaNET offre désormais à la communauté de Kibera :
- l’accès à Internet ;
- Swag : une plateforme d’e-learning ludique en open source visant à fournir des contenus pédagogiques et qui permet aux utilisateurs de créer et partager leurs contenus au sein de la plateforme sans connexion à Internet ;
- l’accès à Kolibri, une plateforme d’e-learning basée sur cloud, visant à donner accès à des bibliothèques de contenus ouvertes et à fournir aux enseignants des supports tels que des cours et des évaluations ;
- des formations sur les compétences numériques pour les enseignants, les jeunes et les femmes ; et
- une assistance technique pour les écoles et les centres communautaires.
L’expérience de TunapandaNET confirme l’une des principales conclusions du rapport Understanding Community Networks In Africa. Un réseau communautaire est bien plus qu’un simple accès à Internet. C’est un outil qui vient renforcer le travail qu’accomplissent déjà des personnes pour améliorer la vie de leur communauté.
Cet état d’esprit est rappelé par Josephine Miliza, ingénieure réseau et responsable du projet, qui déclare : « Lorsque l’on travaille avec des communautés à faibles revenus, la valeur du réseau doit… contribuer à leur développement économique. Notre mission est de créer un environnement pour la formation tout au long de la vie et des solutions pour améliorer les conditions de vie et l’expression personnelle. »
Le travail de TunapandaNET, qui s’appuie sur la communauté, porte déjà ses fruits au niveau local, mais son impact va bien au-delà des 13 villages de Kibera. Les Nations Unies ont souligné le rôle crucial que peuvent jouer les technologies de l’information et de la communication pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), qui visent à résoudre des problèmes mondiaux tels que la pauvreté, sans laisser quiconque au bord du chemin. TunapandaNET a pour but de contribuer à atteindre les ODD qui : assurent une éducation égalitaire et inclusive et accroissent les possibilités de formation continue pour tous ; donnent aux femmes et aux filles les moyens de parvenir à l’égalité des sexes ; et améliorent les infrastructures existantes afin de rendre les technologies de la communication accessibles à tous.
Aujourd’hui, c’est la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Le thème de cette année est « Agir ensemble pour donner aux enfants, à leurs familles et à la société les moyens de mettre fin à la pauvreté ». TunapandaNET montre qu’en travaillant ensemble, les communautés peuvent trouver les moyens de créer leurs propres réseaux, ce qui peut contribuer à rompre le cycle de la pauvreté.
Regardez la vidéo Promoting Gender Inclusion for Community Networks in Africa, dans laquelle Josephine Miliza évoque les stratégies pour donner plus de place aux femmes dans les réseaux communautaires, et présente le rôle qu’elles jouent.
Photo de couverture ©Nyani Quarmyne/Internet Society